des mises en examen qui arrivent après la bataille ?
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des mises en examen qui arrivent après la bataille ?


Évidemment, le temps de la justice n’est pas celui de l’économie ou de l’industrie. Pendant que l’une doit instruire avec mesure et sans hâte, l’autre se précipite, contrainte et forcée d’accélérer sa mutation. C’est précisément ce qu’il s’est passé depuis 2015, depuis le dieselgate. Cette année-là marque une rupture historique dans le monde de l’automobile et elle a enclenché un mouvement irréversible vers la baisse des émissions de C02 amenant, de fait, à une électrification massive et à la fin d’un modèle qui aura duré, grosso modo, un siècle et demi.

Le XXIe siècle de l’auto a débuté en 2015

Au mois de septembre 2015, l’Agence américaine de protection de l’environnement révèle un énorme scandale. Selon cette ONG, le groupe Volkswagen aurait équipé 11 millions de ses véhicules diesels d’un petit logiciel très malin. Lors des tests d’homologation, il aurait permis à une auto de passer l’examen haut la main en émettant très peu de Nox (oxyde d’azote). Futé, le logiciel se met automatiquement en veille une fois ces tests brillamment passés et les autos polluent tout ce qu’elles peuvent sur la route de tous les jours. On connaît la suite : Volkswagen reconnaît la supercherie, son P.-D.G. démissionne et la maison allemande accepte de verser près de 20 milliards d’euros d’amendes et d’indemnisations à l’administration américaine.

Une Peugeot 308 en plein test effectué en 2015, préconisé par la commission Royal.

Deux mois après le déclenchement de l’affaire, en France, la ministre de l’environnement Ségolène Royal décide d’ausculter les diesels vendus dans l’Hexagone dans des conditions réelles et de ne pas se contenter des émissions d’homologation. La DGCCRF (Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes) prélève alors des stocks d’autos chez les constructeurs nationaux et les importateurs et les passent au crible. Début 2016, son verdict tombe et les différences constatées sont gigantesques. Bien entendu, tous les documents, contractuels et publicitaires, mentionnent les émissions officielles mais minimisées. Par quel système ? Selon Bertrand-Olivier Ducreux, de l’Ademe (Agence De l’Environnement et de la maîtrise de l’Energie), cité par Les Échos et qui a participé aux tests de 2015, « tous les constructeurs utilisaient alors des systèmes de pilotage de la dépollution, permettant de la déconnecter dans certaines conditions de température ou de vitesse« . En clair, on n’est pas loin de ce qui était reproché à Volkswagen.

Les trois marques françaises accusées de tromperie

C’est cet énorme écart entre les émissions officielles et réelles que la justice reproche à Citroën, Renault et Peugeot qui viennent de se voir signifier, après six ans d’instruction, leur mise en examen pour « faits de tromperie portant sur la vente de véhicules diesels Euro 5 intervenue en France entre 2009 et 2015 ». Immédiatement, les trois marques françaises ont réagi, expliquant, et c’est un grand classique de la mise en examen, qu’elles sont contentes « d’avoir enfin accès au dossier judiciaire ». Que peuvent-elles faire de plus ? Expliquer que la présomption d’innocence n’est pas un vain mot ? Elles l’ont fait. Provisionner des sommes rondelettes en vue des demandes d’indemnisation qui ne manqueront pas d’arriver sur leur bureau ? Elles l’ont fait aussi : Stellantis, le groupe qui abrite notamment Peugeot et Citroën, a bloqué 10 millions d’euros et fourni une garantie bancaire de 30 millions. Renault a, de son côté, provisionné 20 millions.

Onze millions de diesels Volkswagen étaient concernés par le dieselgate entre 2009 et 2015.

On saura dans quelques mois quelle sera l’issue de cette affaire, au moment du jugement qui découlera d’un procès dont les dates ne sont pas fixées. Chaque constructeur risque 750 000 euros d’amende et son représentant légal encourt une peine d’un an de prison. C’est Carlos Ghosn -qui n’est plus à une affaire judiciaire près- qui était à la barre de Renault en 2015 et, du côté de Stellantis, qui s’appelait encore PSA, Carlos Tavares était déjà en fonction.

Évidemment, ces enquêtes, et les mises en examen qui ont suivi, sont on ne peut plus légitimes. Mais elles arrivent après la bataille, comme si la peine était déjà effectuée. Car depuis 2015, les choses ont changé dans le monde de l’automobile comme elles n’avaient jamais changé depuis l’invention du moteur à explosion par Beau de Rochas en 1862. L’électrification est en marche, les sommes investies par cette industrie pour réaliser cette mutation se situent à des hauteurs stratosphériques. Les dizaines de milliards engloutis par chaque constructeur dans ces nouvelles technologies sont sans commune mesure avec la « petite » amende qu’ils devront verser à l’État.

La faute est déjà, en partie, réparée

Évidemment, cette mutation n’est pas le fait de quelques grands dirigeants de l’industrie qui se sont réveillés un matin en jurant de rendre la planète plus propre. C’est sous la contrainte des pouvoirs publics que le changement est arrivé. Les normes d’homologation ne sont plus du tout celles de 2015. Alors, ces nouvelles mises en examen sonnent un peu comme une condamnation à rebours, lorsque le justiciable a déjà effectué sa peine et qu’il est rattrapé par la patrouille pour une faute qu’il a déjà expiée.

Fallait-il pour autant ne pas incriminer les fautifs ? Certes non, car les émissions constatées à l’époque étaient parfois plus élevées de 377 % par rapport à ce que les tests d’homologation indiquaient. Des écarts énormes qui méritent sanction. Sauf que cette sanction demandée, et qui sera, ou non, validée par le juge, est très loin des milliards réclamés à Volkswagen aux États-Unis en 2015. Comme si la justice française avait compris que l’affaire qu’elle s’apprête à juger demain ou après-demain arrive après la bataille d’hier, et que, si faute il y a eu, elle a déjà été réparée.

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